Le canon d'aviation de 37 mm Semi Automatique Moteur Canon
Jean-Paul Rossignol & Daniel Gilberti

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Moteur Canon type 44 conservé au Musée de l'air et de l' espace du Bourget   

     Le canon d'aviation Semi Automatique Moteur Canon équipera le moteur-canon du Spad XII S382 du Capitaine Georges Guynemer .
     Il le surnommera affectueusement son  " Pétadou 1"
     Georges Guynemer s'intéressait tout particulièrement à tout ce qui touchait à l'armement d'aviation, on lui attribue souvent d'avoir eu l'idée de ce type d'appareil, les nombreux courriers retrouvés nous apprennent que c'est pour bonne partie vrai .
      En fait l'idée de s'affranchir des nécessités de la synchronisation avec l'hélice par une arme montée en son centre avait déjà fait son chemin chez Hispano-Suiza.

      L'étude de l'arme est indissociable de celle des moteurs-canon successifs auxquels elle s'intégrait .

Du moteur Type 36 au Spad XII 
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    Un moteur expérimental du Type 36 de 200 CV qui reprends des éléments des V8 types 31 & 35 et intégre une mitrailleuse Lewis tirant au centre de l'arbre de l'hélice sera proposé aux alliés en Mai 1916 .
    Réalisé vraisemblablement des seuls deniers d'Hispano-Suiza, il n'était qu'a l'état de projet et s'il a bien été fabriqué, il n'aurait pas été testé en vol . 
   0n distingue sur les deux seules photos connues du prototype, la manivelle de démarrage, la Lewis, le carter moteur du type 35 et les pipes d'admission du type 31 .
    Georges Guynemer volait à l'époque sur le Spad VII sorti début 1916, au courant du projet, il mit à profit une permission à l'été 1916 pour entrer en contact avec Louis Bechereau, concepteur du Spad VII et Marc Birkigt, en charge du moteur .
    Après s'etre ouvert à eux d'un certain nombre de griefs et problèmes spécifiques au Spad VII, il abordera le projet en cours, et soumettra l'idée de remplacer la mitrailleuse Lewis tirant au centre de l'hélice par un canon semi automatique, sur le modèle de celui mis au point  par l' APX et utilisé par l'infanterie .
    L'idée fût retenue, le poids et l'encombrement du canon, bien qu' allégé et raccourci amèneront Marc Birkigt à modifier le plan du moteur initial .
    Un nouveau moteur était né, le type 38 (S.TA.é.HS8BeC) .
    Par voie de conséquence Louis Bechereau sera amené à créer un nouvel appareil, le SPAD XII ...     
Du moteur-canon type 38 au SPAD XII
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Type 38 n° 9538 conservé au M.A.E (canon n°13)

 

   Les premiers tracés correspondants aux souhaits de Guynemer sont datés de novembre 1916, une certaine inertie bureaucratique du S.T.Aé d'une part, la préférence donnée aux productions de masse imposées par la guerre d'autre part, auquel s'ajoutera la difficulté de la mise au point du nouveau réducteur entourant le canon firent que le premier moteur et le premier prototype Spad XII ne seront prêts qu'au printemps 1917. 

   L'appareil apparaîtra officiellement dans la nomenclature comme SPAD XII Canon 1 ou Ca 1 le 10 décembre 1916 .         
   Bien qu'en avance sur son temps et présentant l'intérêt de disposer d'un canon tirant au travers du moyeu de l'hélice, son succès sera tempéré par la mise en oeuvre difficile de l'arme dont la partie arrière se montrait par trop envahissante dans l'habitacle du Spad XII, nécessitant une modification des commandes de vol . 
   Dès janvier 1917 Georges Guynemer suggérait à l'ingénieur Louis Bechereau de substituer un volant du type utilisé par les avions Déperdussin aux commandes traditionnelles. 
   Un certain nombre de problèmes moteurs apparurent lors du premier vol effectué par Guynemer lui même à BUC le 21 Mars 1917:
- Tenue du réducteur au graissage perfectible .
- Niveau vibratoire très élevé.

- Puissance moteur juste suffisante.

    La majeure partie de ces anomalies avaient déjà été le lot du moteur V8 du Type 35 à réducteur, aggravé notablement par la présence du canon au milieu de l'arbre porte hélice.
    Marc Birkigt adoptera les mêmes solutions que celles qui avaient été appliquées et données satisfaction pour le type 35, mais la reprise des essais courant mai conduira à l'abandon du modèle pour entreprendre la conception d'un nouveau moteur du type 44 .
    Un brevet avait été déposé le 27.01.1917 (n°503.174) qui couvrira également les moteurs suivants Types 43/44/45.
    Des documents officiels permettent d'assurer qu'un certain nombre de moteurs Type 38 furent fabriqués.     
    Dans une note du 24 juillet 1917 il est dénombré 33 moteurs vraisemblablement du type 38, dont les n° se suivent, et pour lesquels des modifications du canon étaient nécessaires.
     Maintes modifications montrent que le moteur a rencontré nombres de problèmes lors de son utilisation en unité et qu'il était sage de reprendre tout à zéro, ce qui explique le long délai pour l'époque de la mise en service du Spad XII.
     Il y avait nécessité d'avoir des moteurs même insatisfaisants, afin de pouvoir de toute façon utiliser les avions construits, puisque les approvisionnements avaient été réalisés, quitte à opérer un changement de moteur lorsque le Type 44 serait disponible .
NOTE :
    Un moteur de type 38 portant le n° 9538 est conservé dans les réserves du musée de l'air et de l'espace du Bourget, son carter a été partiellement découpé pour montrer le réducteur, son canon SAMC n° 13 a été déposé pour etre exposé au coté du type 44.
    Un type 38 portant le n° 9003 serait conservé au National Air Show Muséum aux USA.
    Un type 38 n° 9529 particulier est conservé au musée de l'Air Force à Dayton dans l'Ohio, il est issu des collections du Old Army Aeronautical Muséum de Mc Cook Field ( musée des années 1920 ).
     Son canon rayé porte le n°24
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    Il montre des particularités intéressantes: magnétos Dixie, conduites d'admission modifiées et carburateur Zénith type 55 DH à diffuseur horizontal.
     On passe du type 38 au type 44 directement, ce qui peut surprendre ...
      Il faut savoir qu'entre temps six mois se sont écoulés et la conception de plusieurs autres moteurs avait été entreprise :
- Type 39 : accouplement de 2 moteurs de 200 HP à réducteur pour obtenir un 400 HP (sans suite) .
- Type 40 : moteur 200 HP à gros réducteur pour dirigeable (S.T.Aé HS 8E).
- Type 41 : moteur 150/180 HP regroupant toutes les améliorations au type (S.T.Aé HS 8A)
- Type 42 : moteur 300 HP (S.T.Aé HS 8F).
- Type 43 : projet de moteur-canon à partir du Type 42 de 300 HP (abandonné en fin de guerre) .
Le moteur-canon Type 44 
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Type 44  Musée de l'air et de l' espace 

   
   Le moteur type 44 n'est en fait qu'une évolution du type 38, son étude à nécessité une reprise de bon nombre d'éléments constitutifs, les concepteurs y ajouteront toutes les améliorations apportées sur les nouveaux types..
  Toutefois la modification la plus importante fût le changement du type de réducteur et le nouveau dessin du carter .
   Le problème du manque de puissance du type 38 était connu, il est plus que probable que dès le départ ou à ses débuts la puissance du type 44 ait été portée à 220 HP par augmentation du taux de compression via un allongement des pistons à l'instar du type 35 S.
Parenthèse concernant le moteur type 43 
   En juin 1917, peu de temps avant la parution des premiers plans du moteur-canon type 44, Marc Birkigt avait lancé l'étude d'un moteur 300 HP qui prendra la dénomination de type 42.. 
 Ce moteur V8 à course et alésage modifié bénéficiait de toutes les améliorations apportées à ses prédécesseurs. 
 Comme il travaillait dans le même temps sur le moteur-canon, il pensa dès le départ à développer  une version "canon" du type 42 qui deviendra le type 43.
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   Moteur généralement comparable au type 42 auquel on adjoint un réducteur permettant le montage du canon de 37 des types 38 & 44. 
   Aucune photo ni aucun documents à part une soixantaine de plans pour la plupart de détails particuliers, n'ont à ce jour été retrouvés, permettant de retracer sa carrière.
   Il semblerait que c'est ce moteur qui fut retenu pour le SPAD XVIII qui ne vola jamais, les essais au banc ayant relevé un niveau vibratoire tel que son montage sur avion était impossible .
  La fin de la guerre, la restriction de crédits, et l'énormité des problèmes à résoudre aboutirent à l'abandon pur et simple du projet, sans doute au début des années 1920 ...
    En complément du canon de 37 mm d'une mise en oeuvre délicate, une mitrailleuse Vickers de calibre 303 sera ajoutée au SPAD XII pour la sécurité du pilote .
    Elle tirait à travers les pales de l'hélice au moyen du dispositif de synchronisation breveté par Birkigt et équipant le SPAD VII entre autres.
    Si dès juillet 1917, environ 300 types 44 sont commandés, il est certain que seul un petit nombre d'entre eux fut utilisé.
Le canon semi automatique calibre 37 de l'APX 
    Le canon montée sur les moteurs type 38 & 44 est identique. 
    C' est une version considérablement modifiée, allégée et raccourcie du modèle d'infanterie développé par l'Atelier de Puteaux ou APX
    L'arme est dite semi-automatique :  après chaque tir, elle restait culasse ouverte pour être rechargée .
    Son recul utilisé pour l'éjection de la douille tirée et la remise en batterie est amorti par un frein amortisseur modifié spécialement pour son adaptation sur avion, sa fixation sur le carter du moteur se fait au moyen d'un montage spécial .
    Selon les sources on donne pour l'arme un poids de 40 à 45 KG et une charge de d'environ 10 Kg de munitions (10 à 12 cartouches )

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    On peut distinguer sur les photos des modèles exposés au Musée de l'Air et de l'Espace du Bourget, l'inscription Puteaux à l'arrière des boîtiers de culasse. 

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Note : culasse en position fermée sur les 6 photos 

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 Le premier modèle de série date du 20 Août 1917.
 Le premier des deux canons exposé au MAE est daté de 1917 et porte le N° 13, c'est celui du moteur type 38 stocké dans les réserves du musée .
 Le second modèle n° 85 en place sur le moteur du  type 44 est daté de 1918.
Fonctionnement :
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 L'arme doit etre rechargée manuellement après chaque tir .
 Le canon au repos se trouve en position avancée, sa culasse à bloc tombant en position basse, le marteau est à l'armé ..
 Le pilote approvisionne l'arme dont la chambre est ouverte et il remonte la fermeture de culasse .
 Il vérifie l'armé du marteau et actionne la commande tir par l'intermédiaire d'un câble flexible " Bowden"
 Le marteau se trouve projeté en avant et viens frapper le percuteur .
 Au départ du coup le canon recule compressant le système amortisseur .
 Le système amortisseur renvoie le canon en position avant, libère la fermeture de culasse qui retourne en position basse et permet l'éjection de la douille tirée, vraisemblablement dans un réceptacle ad hoc, encore non identifié avec certitude...

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   L'arme subira aux moins deux modifications connues donnant lieux à des rappels, la première consistant à un changement d'une pièce des tiges de freins le 12 avril 1918, une seconde majeure directement liée à l'expérience au combat qui consistera à remplacer le canon rayé par un canon lisse dès la fabrication....
  Cette modification d'importance sera détaillée sur la page consacrée aux munitions du SAMC .
Une arme pour l'élite, par la force des choses :
     Dans le contexte du combat aérien mêlant le stress et la concentration, il fallait prendre chaque cartouche dans un rack ad-hoc, lequel contenait de 10 à 12 munitions selon les sources et était situé à droite dans l'habitacle, l'introduire dans la chambre et manoeuvrer les commandes du canon .
     Le bloc culasse se trouvait entre les jambes du pilote, il devait les tenir largement écartées pour ne pas gêner le mouvement d'avant en arrière de l'ensemble mobile .
     L'arme après le tir restait culasse ouverte, l'éjection automatique de la douille, le lourd recul et l'important dégagement de fumée dans l'habitacle s'avérera également extrêmement gênant. 
     le Capitaine Guynemer effectuait une manoeuvre de renversement après le tir pour évacuer les gaz et pouvoir recharger rapidement.
     Il est convenu de dire que seul des aviateurs expérimentés pouvaient mettre en oeuvre ce type de matériel tout en pilotant l'appareil, par ailleurs pas des plus faciles à manoeuvrer .
Un palmarès non négligeable :
     Le Capitaine Guynemer obtiendra sa première victoire sur SPAD XII au canon de 37 aux dépens de l' Albatros biplace du Lt Fritz Vossen le 27 Juillet 1917 (1 obus et 8 cartouches Vickers tirées ), il abattra également le lendemain le DFW Biplace de l'Uffz Friedrich Hassler (2 obus et 30 cartouches Vickers).
     René Fonck utilisera les SPAD XII Canon n° S445 & S452) et obtiendra onze victoires au canon de 37.
     Il y aura Georges Madon de la SPA 38, Albert Deullin, Fernand Chavannes, Lionnel de Marmier, François Battesti ....
Des moteurs et des avions    
    Les premiers essais du Spad Canon se dérouleront du 17 Mars au 8 Avril 1917, 
    Une note du 24/07/17 dénombre au moins 33 moteurs canons vraisemblablement du type 38 déjà fabriqués et portant des numéros consécutifs pour lesquels des modifications du canon étaient nécessaires.  
   En effet, il  y avait nécessité de mettre à disposition des moteurs à tout prix, même s'ils étaient insatisfaisants et perfectibles, afin de pouvoir de toute façon utiliser les avions construits, puisque les approvisionnements avaient été réalisés, quitte à procéder à un changement de moteur lorsque le type 44 deviendra disponible .
     Il sera fabriqué environ 300 Spad canons commandés dès juillet 1917, seuls une trentaine furent livrés avant la fin de la première guerre mondiale dont au moins deux modèles à nos alliés :
    La quantité de Spad XII  livrés aux unités resta fort restreinte avant la fin des hostilités, leur pilotage demandait une " Maestria" dont ne disposait pas le commun des pilotes, réservant comme nous l'avons vu l'appareil à une certaine élite .
Avions livrés à nos alliés:
Au moins deux appareils :
   Le S449 sera attribué au Royal Flying Corps en janvier 1918 prendra le sérial RFC B6877 et finira crashé lors d'un transit, il devra etre remplacé .
  Un autre à l' US Army Service 139° Aero Squadron en Juillet 1918, affecté au Lt David Putnam qui sera tué le 14 Septembre 1918, l'appareil sera reversé au 13 Pursuit Squadron et attribué au Major Charles J. Biddle .
IMG_0377.jpg (26723 octets) IMG_0378.jpg (30008 octets)   Ces photos représentent deux douilles de 37 mm venant d'une collection américaine gravées " French touch" du Pursuit Group 4.

  Le Pursuit Squadron 13 en était une composante.

   Le Pursuit Sq 13 possédait un Spad Canon, celui du Major Charles J. Biddle, cette unité au front en 1917 stationnera à Toul jusqu'en 1919 .

 

   Il est vraisemblable que l'intérêt porté par nos amis américains à ce type de matériel sera pris en compte pour l'étude par l'Atelier de construction de Puteaux d'un modèle Automatique à long recul du canon équipé d'un magasin, s'affranchissant du caractère fastidieux de la manoeuvre du SAMC. *

  Cette arme fera partie d'un paragraphe spécifique .*  

     La période de la Première Guerre Mondiale sera une particulièrement riche en terme d'innovations et d'évolution pour ce qui concerne l'aviation et l'armement .
     Malgré sa mise au point complexe et diifficile, ses qualités et ses défauts, le moteur-canon avec la mise en oeuvre d'un armement lourd à bord d'un chasseur influera notablement le développement des futurs avions de combat .
 
  Remerciements tous particuliers à Mr Christophe Cony, rédacteur en chef de la revue Avions chez Leila Press, sans qui rien n'eut été possible .
  Cette page d'histavia21 viens d'etre mise à jour, grâce à la mise à disposition des importants travaux personnels de Mr Jean-Paul Rossignol, qui dépassent de loin mes propres recherches par l'étendue et la qualité du travail accompli, cette page est la sienne .
  Volontairement simplifiée et condensée par mes soins pour rester d'une lecture façile, une suite est prévue pour ce qui concerne l'AMC et le devenir des moteurs-canon.
  Elle sera très certainement rapidement complètée par des pages annexes plus spécifiques et plus techniques destinées à complèter l'étude.
  La recherche continue, Jean-Paul Rossignol & moi même restont à l'écoute et à la recherche d'éventuels témoignages ou documents techniques qui pourraient venir complèter l'étude  .

   Les documents, dessins, plans & photographies qui composent ces pages web sont gracieusement mis à disposition, par contre la reproduction en est interdite, sauf accord express des auteurs .

D. Gilberti Janvier 2008

  Suite : Les munitions de 37 du SAMC     >>>>

SOMMAIRE
- Canon SAMC
- Munitions & Chasse
- Moteur-canon type 45 & AMC
- Sources
PAGES ANNEXES

Remerciements à Jean Luc (Pyperpote) pour les superbes photos couleur qui illustrent cet article : site de Jean Luc : www.pyperpote.tonsite.biz