Ce 25 juin 1981 ...

    le 25 juin 1981,nous nous apprêtions à célébrer le 40ème anniversaire de l'Escadron de Chasse 3/2 Alsace (l'Escadron avait été crée en septembre 1941 en tant que première unité de chasse des Forces Aériennes Françaises Libres et il fut intégré à la Royal Air Force où il prit le nom de 341 (French) Sqn).
     Pour célébrer dignement cet événement, nous avions cherché à rassembler le plus grand nombre possible d'avions ayant porté ses couleurs.
       Notre Escadron avait été un des premiers à voler sur Vampire en France, or à l'époque en 1981, de nombreux Vampire étaient toujours en service  dans la Troupe d'Aviation Suisse, nous fîmes donc sans grand espoir une demande écrite auprès de l"Ambassade de Suisse à Paris, mais les Suisses étant neutres, ils n'avaient jusque là pratiquement jamais laissé leurs avions militaires voler à l'extérieur de leurs frontières.
       Et pourtant, à ma grande surprise nous reçûmes une réponse positive quelques semaines plus tard, un vendredi en fin d'après-midi !
       Une réponse d'ailleurs assez surprenante, sous la forme d'un coup de téléphone, notre interlocuteur disait en substance, et je cite de mémoire : 
      " Bonjour, voila, je suis le Commandant de l'école de pilotage à Sion, je viens de recevoir un message de mon état-Major qui me demande de vous envoyer deux Vampire pour votre manifestation, mais vous comprenez, les Vampire ne sont pas vraiment des avions récents, ce n'est pas une très bonne vitrine pour la Troupe d'Aviation. Est-ce que cela vous ennuierait si nous les repeignions aux couleurs françaises ? ".
       Authentique, ça ne s'invente pas !
       Vous pouvez imaginer ma réaction ! Dès le lundi matin je leur ai envoyé un gros dossier avec photos, bleus d'usine, enfin tout le nécessaire pour repeindre un Vampire de la façon la plus authentique qui soit (dans la précipitation je n'ai pas pris le temps de faire des copies de ce dossier et je ne l'ai jamais récupéré, malheureusement).
       La Troupe d'Aviation Suisse nous avait donc envoyé deux Vampire de l'École de Chasse de Sion. Ces deux avions avaient été fidèlement repeints aux couleurs portées en France dans les années 1950-52. Cependant, l'un des deux appareils était un biplace, alors que l'Armée de l'Air n'a jamais utilisé que des Vampire monoplaces.
      Pour une "obscure" raison ils ont repeint un monoplace Mk.6 et un biplace d'entraînement Mk.55 (l'obscure raison étant que notre Commandant d'Escadron avait demandé un biplace dans l'espoir qu'on lui fasse faire un tour de place droite, ce qui ne fut pas le cas).
       Mais, 28 ans après, sa demande saugrenue prend tout son sel : c'est de toute évidence le seul Vampire biplace militaire (je ne parle pas des warbirds civils qui tournent maintenant dans le circuit des meetings) à avoir jamais volé sous les couleurs françaises.
      Nous avons donc décollé avec une patrouille de trois Mirage pour aller les intercepter le long de la frontière, au dessus du Lac de Saint-Point comme il était convenu et les escorter jusqu'à Dijon, ce qui me permit de prendre quelques photos. Malheureusement, malgré la saison, le temps ce jour là était exécrable, d'où la piètre qualité de ces images.

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       Lorsque je revois la photo de ce Mirage IIIE piloté par le CDT Jean-Michel Nicolas en train d'overshooter les deux Vampire avec sa fusée SEPR 844 allumée, je ne peux m'empêcher de penser aux F-14 en train d'en faire de même avec de pseudo-Zeros dans le film "Nimitz -  Retour vers l'Enfer".
       À un détail près toutefois : là ce n'était pas du cinéma, c'était la réalité ! 
       Quel spectacle incroyable ce fut de découvrir entre les stratus ces deux Vampire en hippodrome à quelques centaines de pieds au dessus d'un lac le long de la frontière franco-suisse !    
        Il est amusant de voir le Vampire à la tête de cette patrouille anachronique de trois appareils, sautant ainsi trois "chaînons manquants", l'Ouragan, le Mystère IVA, et le Mirage IIIC qui furent les montures successives de l'E.C. 3/2 Alsace au cours des années cinquante et soixante.
      Les pilotes des deux Mirage IIIE étaient le Commandant Jean-Michel Nicolas sur le n°430 2-LM et le Capitaine Patrick Porchier sur le n° 467 2-LD (au passage, les spécialistes remarqueront les cocardes d'ailes de 60 cm sur le n°430 2-LM et de 80 cm sur le n°467 2-LD ; pour autant que je me souvienne, le Vampire biplace (NL-D) était piloté par le Hauptmann Pierre Egger, et lemonoplace (NL-Z) par l'Oberleutnant Bohnenblust. 
       Le pilote du Mirage IIIBE dans lequel je me trouvais était le Lieutenant-Colonel Michel Courteille, commandant la 2ème Escadre de Chasse.
     Arrivés au point de rendez-vous, malgré deux radars Cyrano II (les deux Mirage IIIE) et quatre paires d'yeux (les pilotes des deux IIIE ainsi que celui du IIIBE et son passager, moi en l'occurrence, qui n'avais rien d'autre à faire que de regarder et de chercher), pas le moindre signe de ces Vampire à l'altitude convenue.

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      Et pour cause, ils volaient si bas que nous n'aurions même pas songé à les chercher là où ils étaient, d'où notre surprise en entendant sur la fréquence un bel accent suisse qui nous lançait:
" Hé, les Mirage ! On a visuel ! "  
      Pas de radar, construction en bois, et pourtant le Vampire était encore un très bon intercepteur !
      La suite de cette escorte vers Dijon devait nous ménager une autre surprise. 
     Pour faire des photos, le Leader avait souhaité que les quatre avions se mettent en colonne. 
     Pas l'idéal pour prendre une photo, mais puisqu'il le voulait… 
     Donc les deux IIIE se mettent en tête, l'un derrière l'autre, attendant que les Vampire viennent rassembler.
     L'ennui, c'est que les Vampire ne rassemblaient pas .
     Donc les Mirage réduisent leur badin, commencent à prendre une furieuse incidence, et les Vampire ne rassemblent toujours pas.
     Problème, là on est vraiment limite, 200 Kts, normalement un Vampire ça devrait voler bien plus vite .
     Comment se fait-il qu'ils ne rassemblent pas ? Problème de compréhension sans aucun doute, car après quelques secondes dans cette configuration douteuse nous entendons sur la fréquence, toujours avec ce même accent :
"Hé, les Mirage ! Pourriez pas aller plus vite ?"
     Il fallait la faire, celle-là ! C'était définitivement foutu pour les photos en colonne ! Tant mieux d'ailleurs, ça n'aurait rien rendu.
Les acteurs de cette formation inhabituelle :
De gauche à droite :
     Hauptmann Egger,  (le pilote du biplace).
     Oberleutnant Bohnenblust,  (pour autant que je me souvienne, le pilote du monoplace).
    Le Commandant Jean-Michel Nicolas (leader du dispositif ).
    Rémi Henzelin, Sous Officier qui était en place droite sur le biplace.
    Le Capitaine Patrick Porchier .
    Manquent sur l'image le Lieutenant-Colonel Michel Courteille, qui pilotait le Mirage IIIBE ainsi que moi-même, puisque je suis en train de prendre la photo. 

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    Un petit détail qui mérite d'être mentionné : 
     nos mécaniciens avaient préparé avec un pochoir des autocollants de l'insigne du 3/2, et ils avaient reçu pour instruction de les appliquer sur la dérive de tous les avions participant au 40ème Anniversaire.
     Aussi, avec beaucoup de zèle, à peine les Vampire arrivés au parking, ils se sont précipités pour les orner sur  les dérives du fameux autocollant, comme on peut le voir sur certaines photos.
     Bien entendu ces autocollants étaient complètement incongrus sur les Vampire magnifiquement décorés aux couleurs du 3/2 et ils furent vite retirés.
Michel Gerard    
 

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